lundi 1 juin 2015

Le design graphique peut-il être honnête ?

Le design graphique peut-il être honnête ? 

Sur l’image de gauche un homme à moitié chauve est agenouillé, un petit écrin de velours dans la main, le regard levé vers le spectateur. A droite, la boite et ouverte et la présence de l’anneau transforme l’apparence peu flatteuse du bonhomme en un superbe model. Natan Jweerly, the power of carals pour seule explication. Par où commencer? Comment Natan peut  sérieusement penser qu’une telle image peut être séduisante. La publicité mets non seulement en scène l’exagération mensongère qui la caractérise mais fait aussi  la démonstration de ses effets pervers. La publicité sert à vendre, c’est un fait. Pour cela elle met en place des images de marques. Identités visuelles, univers graphique, mythes et récits idéologiques sont à mis au service de la marque à promouvoir. Bien souvent le produit plébiscité est peu montré, son  image apparait au travers d’un système de valeur savamment mis en scène. Ce sont alors ces valeur qui prédominent. Les bijoux Natan sont si beaux qu’ils ont le pouvoir de transformer leur acquéreur. En réalité, ils ne transforment rien et c’est bien le problème. La tromperie est si évidente qu’on en douterait presque des compétences de l’agence de publicité. Le consommateur potentiel est littéralement agressé par cette image : d’une par il est considéré comme un être stupide ne pouvant pas distinguer le rêve de la réalité et d’autre par il est dénigré physiquement. Implicitement, la publicité suggère que l’homme chauve de gauche n’est pas désirable tel quel. Il se présente, fait sa demande mais rien ne nous certifie que la femme qu’il convoite lui dira «oui». On nous laisse plutôt penser le contraire. Puis, le bijoux apparait, la petite boite ouverte dans les mains de la promise. Et là, lorsqu’elle contemple l’alliance Natan,  l’homme prend l’aspect d’un standard de beauté masculine. on se doute que la réponse sera maintenant positive. Les moyens suggérés pour y parvenir sont l’illusion. L’illusion d’un homme collant mieux au standard de beauté qui est lui même dicté par notre environnement visuel quotidien dont la publicité constitue une bonne part. En bref, si la nature ne nous a pas gâté dès les départ nous avons que très peu de chance de parvenir à fins. À moins d’avoir une bague Natan prête à offrir. À moins de mentir. 
Est-il possible de créer des dispositifs graphiques qui soit honnêtes. Le design graphique repose sur la stylisation des formes, la métaphore, sur l’exagération ou la récupération de récits anciens qui bien souvent constitue une falsification du sens premier des choses. (Qui n’est pas sans rappeler la définition du mythe selon Roland Barthes : le mythe déforme). Dans le cas de l’exagération, elle est en générale si visible qu’elle en devient comique. C’est le but, même pour la publicité Natan (qui est d’une grande fourberie puisque dans ce cas-si, elle s’appuie sur la moquerie et sur l’intransigeance des canons esthétiques actuels). Pour Spontex, on se doute bien qu’une éponge ne peut remplacer les lourds bidons d’eaux des villageoises africaines. Cette exagération ne fait de mal à personne et pas même au produit, c’est l’effet comique qui prime sur la tromperie. Et il est tout à fait vrai, qu’une image qui ne s’appuie sur aucun des principe énoncé plus tôt aura tendance à être moins efficace. Instantanéité de la réception du message à faire passer est le résultat de techniques qui ont fait leurs preuves. On ne dira jamais qu’un Mondrian communique moins bien qu’un Delacroix, on ne peut comparer l’incomparable mais il est certain que n’y l’un ni l’autre est une copie parfaite de la nature. Dès qu’il y a conception d’image il y a une réflexion sur la composition, le cadrage, la couleur, le contraste… qui au final traduisent, évoquent, symbolise une intention de l’auteur. Pareil pour le design graphique, pourra-t-on dire. Non, l’art ne vend rien sinon lui-même, le graphisme est toujours au service d’un tiers. Le tiers est une marque, une entreprise, une institution… Qu’il s’agisse de le montrer sous son meilleur jour soit, mais que ce jour-là ait existé et existe encore semble être un minimum d’honnêteté. 

C’est encore l’histoire de l’arbre qui cache la foret. Où plutôt, l’arbre géant et majestueux qui cache la déforestation. Ne rien dire ne signifie pas pour autant ne pas mentir. Le mensonge par omission est la stratégie la plus utilisée par la publicité depuis que les marques se salissent les mains derrière notre dos. On peut citer un nombre incalculable d’enseigne de prêt-à-porter à l’origine de scandale humanitaire. Nous prendrons l’exemple peut-être aussi meurtrier de la plus connues des chaines de fast-food. Le logo McDonald’s dit des « arches dorées » est créé en 1962 par Jim Schindler alors responsable de l’ingénierie de conception à McDonald’s. Il s’inspire des deux arches jaunes de la façade du tout premier restaurant McDonald’s réalisé par l’architecte Stanley Meston à Phoenix. Jim Schindler rassemble les deux arches pour en faire un « M ». Mais depuis 2009, en France, Macdonald nous fait la surprise de changer le fond rouge de son logo par un vert profond, un vert forêt comme il est bon d’avoir en ses temps favorables aux défenseurs de la nature. C’est à coups de spots télévisés et de packadging en papier kraft que Macdonald espère s’acheter au bonne image au moins autant qu’une bonne conscience auprès de ses consommateurs. Est-ce que nous allons pour autant commander un menu maxi-best-of dans l’attente de manger des produits de qualité ? Non. Ce qui fait Mcdo c’est son goût, pas la promesse d’une bonne santé. Mcdo c’est bon quand on y va pas souvent. Et pour la plupart le fond vert n’a rien changé. 

Innovations numériques

Innovations numériques 

«Tant que le livre restera par la force des choses un objet à manipuler, tant qu’il n’aura pas été supplanté par des formes auto-sonores ou cinémato-sonores, il nous faudra attendre chaque jour de nouvelles inventions fondamentales dans le domaines de sa production.» annonçait déjà El Lissitzky dans Notre livre écrit de 1926 à 1927. 
«Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que la technologie appliquée au monde de l’image est en train de réinventer le livre, plutôt que de le tuer comme cela avait été prédit. C’est là que nous essayons de nous tenir dans ce moment de réinvention» disait Bruce Mau. X, M, L, XL, qu’il cosigna avec Rem Khoolhaas et qui montrait le livre sous une forme nouvelle, sans sens de lecture clairement indiqué, rempli d’une iconographie des plus inattendue fit en effet sensation.
Aujourd’hui l’innovation est en grande partie porté par le numérique. Le numérique est à la fois un médium et un matériau qui requière une grande maitrise technique. Trop souvent notre premier reflex à été d’essayer de copier les objets imprimé et de les transposer à l’identique dans une version sur écran. Pourquoi faire semblant de tourner les pages de l’image d’un livre, ans volume et sans texture, d’un bref mouvement de doigt ? Si le livre numérique présente toujours des pages, le geste n’est plus le même. À quoi bon persister dans la mauvaise copie d’un modèle qui n’est de toutes les façons pas transposable à l’identique. Si le numérique gagne toujours plus de terrain sur les objets imprimés, c’est bien la preuve de qualités qui lui sont propres. Les graphistes se sont penchés sur ce problème depuis les prémices des outils numériques. Cofondatrice en 1973 et responsable jusqu’à sa mort en 1994 du Visible Language Workshop au MIT, Muriel Cooper est considérée comme une pionnière du design interactif. Elle a cherché les moyens d’utiliser les outils numériques à des fins de présentation et de communication. Wim Crouwel voyait en la technologie la promesse d’une renaissance en rupture avec les traditions passées : «L’ordinateur se compose d’un assemblage de cellules […] qui ressemble fort à la composition des organismes vivants et à la structure de notre société tout entière, [et qui] pourrait servir de point  de départ au développement de nombreux caractères.» «L’écriture manuscrite est un savoir qui, heureusement, tend à disparaitre» et qui, «dans une vraie perspective communicationnelle», n’aurait plus aucun rôle à jouer, avançait-il dans «La typographie à l’ère de l’ordinateur». Partant du fait que les techniques traditionnelles et numériques peuvent coexister voire se combiner, il est vrai que l’on ne pourrait plus aujourd’hui se passer des ordinateurs quand on peut très bien ne plus avoir manier un simple stylo à plume. Mais alors quels sont les véritables enjeux que portent les outils numériques ? Quels futurs espaces de création ouvrent-ils désormais ? 

-etienne mineur 
-la gaité lyrique 
-numérique et musée 
-indexation des données 


Pourquoi le bon goût existe-il  ?

Pourquoi le bon goût existe-il  ? 

Nous observons tous notre environnement avec notre propre sensibilité. C’est ce que
Gombrich souligne dès l’introduction de sa célèbre Histoire de l’Art. On ne peut regarder une œuvre à travers un autre prise que nos propres yeux et notre jugement dépendant de notre histoire personnelle. Loin de blâmer ce fait, Gombrich  affirme qu’il faut justement accepter ce fait pour mieux s’en affranchir. Car c’est bien du goût dont résulte le sentiment de beauté que nous éprouvons ou n’éprouvons pas face aux œuvres et aux choses en générale. Or «La notion de beauté à ceci d’inquiétant que le goût et les canons du varient à l’infini.», écrit Gombrich. Alors d’où vient le goût ? Si ce n’est pas une chose innée comment l’acquerrons-nous ? Et y a t-il réellement un bon goût et un mauvais ? «il vaudrait mieux s’efforcer d’oublier tout ce que nous croyons savoir et de voir le monde comme s’il s’offrait pour la première fois à nos regards.» Gombrich nous inciterait donc à oublier nos goûts et à se présenter comme un sujet neutre, vierge de toutes inclinations personnelles qui ne font que troubler notre rapport au monde. Pourtant, «il ne faudrait pas en déduire qu’on ne peut éduquer le goût», conclue-t-il. Le goût, selon Gombrich, semble être cette curiosité de prime abord qui permet de voir la subtilité du geste créateur, cet intérêt pour le fond autant que pour la forme. Le goût c’est peut-être, une sorte d’humilité face au choses que nous trouvons belles ou laides, l’humilité de se dire que nous ne savons rien de leur auteur et de leur motivation. À défaut de s’être abstenu de juger d’emblée une œuvre, nous pouvons au moins nous autoriser à changer d’avis sans pour autant changer de personnalité. 
Qu’en est-il du design graphique ? De même à peu de chose près qu’il n’est généralement pas considéré comme un art, avec ses tensions formelles et idéologiques, alors même qu’il constitue notre environnement quotidien. À qui la faute ? On peut s’appuyer sans hésitation sur le texte Partager le regard rédigé et mis en ligne par Vincent Perrottet pour comprendre les tenant et aboutissant de cette épineuse question. La faute est belle et bien partagée. Il ne faut pas oublier que l’origine du design graphique (comme du design) découle directement de l’industrialisation et de son injonction à vendre le plus possible. Aujourd’hui, les designers graphiques cherchent en partie à s’émanciper de l’emprise commerciale qui à motivé sa création. Mais c’est surtout pour une raison : ceux qui les démarche et les rémunèrent ne sont plus aptes à juger leur production. L’éducation française aux arts graphiques est une catastrophe et la population s’est scindée en deux, comme au bon milieu du XIXe siècle : entre les savants et les ignorants. Pourquoi donc n’y a t-il aucune sensibilisation des individus à la culture graphique alors que ceux-ci sont confrontés chaque jours à quantité d’images de toute nature ? Comment s’étonner alors que les seuls savants sont ceux qui ont étudié et pratiqué le design graphique depuis des années ? «Mais comment cultiver le regard de façon à le rendre ouvert, critique et citoyen plutôt que soumis et condamné à ce flot incessant d’ordres, d’injonctions et de messages infantilisants destinés « à faire rêver » comme le vend le monde publicitaire, premier producteur d’images ?», se demande Vincent Perrottet. Ce n’est qu’au contact d’un environnement visuelle de qualité que se formera une culture graphique à la fois populaire et douée de qualités plastiques, sémantiques et conceptuelles. Dans Pour une critique du design graphique, Catherine de Smet soutient que  «L’édition subit les effets de l’évolution économique : les impératifs de rentabilité pèsent sur une production dont la qualité de bien de consommation l’emporte chaque jour un peu plus sur celle de bien culturel. Le secteur du livre scolaire, pourtant fondamental, et seul à offrir à des millions d’enfants une chance de se former l’œil à d’autres sources que télévisuelle ou commerciale, renonce à toute innovation. […] Il importe d’œuvrer pour que la culture visuelle se développe en France, et la réappropriation de notre histoire graphique constitue une étape majeure de cette démarche.» Et que le design graphique est «Une profession et des métiers, dont l’exercice joue un rôle direct, et majeur, sur notre environnement quotidien. La qualité du paysage visuel dans lequel nous évoluons, l’apparence de ce que nous lisons, dépendant pour une part essentielle des designers graphiques. Leur formation est capitale - un véritable enjeux national.»
Notre environnement visuel quotidien joue un rôle déterminant dans la formation d’une culture graphique. Mais cet environnement mérite-t-il encore d’être précédé du pronom possessif «notre». Retour à Vincent Perrottet qui poursuit: «L’espace public, et avec lui l’espace intime de chacun qui ne peut ignorer cette propagation, n’appartient plus à ceux et à celles qui l’habitent mais à ceux qui l’exploitent sans vergogne. Pire encore, le pouvoir sanctionne les détournements, graffitis, et autres formes inoffensives de résistance aux injonctions qui nous sont imposées par ceux qui se sont arrogé le droit de vendre l’espace commun.» Lutter contre la privatisation de l’espace public par les marques ne date pas de la veille.
Daniel Buren déploya son «outil visuel» à travers la ville : des pans de papiers à rayures verticales recouvrant les affiches publicitaires en vue de rendre aux citoyens l’espace de la rue. Dans une optique moins extrême, avec ses affiches épurées pour deux théâtres, Malte Martin visait à «crier moins fort que les autres».

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