Le design graphique peut-il être honnête ?
Sur l’image de gauche un homme à moitié chauve est agenouillé, un petit écrin de velours dans la main, le regard levé vers le spectateur. A droite, la boite et ouverte et la présence de l’anneau transforme l’apparence peu flatteuse du bonhomme en un superbe model. Natan Jweerly, the power of carals pour seule explication. Par où commencer? Comment Natan peut sérieusement penser qu’une telle image peut être séduisante. La publicité mets non seulement en scène l’exagération mensongère qui la caractérise mais fait aussi la démonstration de ses effets pervers. La publicité sert à vendre, c’est un fait. Pour cela elle met en place des images de marques. Identités visuelles, univers graphique, mythes et récits idéologiques sont à mis au service de la marque à promouvoir. Bien souvent le produit plébiscité est peu montré, son image apparait au travers d’un système de valeur savamment mis en scène. Ce sont alors ces valeur qui prédominent. Les bijoux Natan sont si beaux qu’ils ont le pouvoir de transformer leur acquéreur. En réalité, ils ne transforment rien et c’est bien le problème. La tromperie est si évidente qu’on en douterait presque des compétences de l’agence de publicité. Le consommateur potentiel est littéralement agressé par cette image : d’une par il est considéré comme un être stupide ne pouvant pas distinguer le rêve de la réalité et d’autre par il est dénigré physiquement. Implicitement, la publicité suggère que l’homme chauve de gauche n’est pas désirable tel quel. Il se présente, fait sa demande mais rien ne nous certifie que la femme qu’il convoite lui dira «oui». On nous laisse plutôt penser le contraire. Puis, le bijoux apparait, la petite boite ouverte dans les mains de la promise. Et là, lorsqu’elle contemple l’alliance Natan, l’homme prend l’aspect d’un standard de beauté masculine. on se doute que la réponse sera maintenant positive. Les moyens suggérés pour y parvenir sont l’illusion. L’illusion d’un homme collant mieux au standard de beauté qui est lui même dicté par notre environnement visuel quotidien dont la publicité constitue une bonne part. En bref, si la nature ne nous a pas gâté dès les départ nous avons que très peu de chance de parvenir à fins. À moins d’avoir une bague Natan prête à offrir. À moins de mentir.
Est-il possible de créer des dispositifs graphiques qui soit honnêtes. Le design graphique repose sur la stylisation des formes, la métaphore, sur l’exagération ou la récupération de récits anciens qui bien souvent constitue une falsification du sens premier des choses. (Qui n’est pas sans rappeler la définition du mythe selon Roland Barthes : le mythe déforme). Dans le cas de l’exagération, elle est en générale si visible qu’elle en devient comique. C’est le but, même pour la publicité Natan (qui est d’une grande fourberie puisque dans ce cas-si, elle s’appuie sur la moquerie et sur l’intransigeance des canons esthétiques actuels). Pour Spontex, on se doute bien qu’une éponge ne peut remplacer les lourds bidons d’eaux des villageoises africaines. Cette exagération ne fait de mal à personne et pas même au produit, c’est l’effet comique qui prime sur la tromperie. Et il est tout à fait vrai, qu’une image qui ne s’appuie sur aucun des principe énoncé plus tôt aura tendance à être moins efficace. Instantanéité de la réception du message à faire passer est le résultat de techniques qui ont fait leurs preuves. On ne dira jamais qu’un Mondrian communique moins bien qu’un Delacroix, on ne peut comparer l’incomparable mais il est certain que n’y l’un ni l’autre est une copie parfaite de la nature. Dès qu’il y a conception d’image il y a une réflexion sur la composition, le cadrage, la couleur, le contraste… qui au final traduisent, évoquent, symbolise une intention de l’auteur. Pareil pour le design graphique, pourra-t-on dire. Non, l’art ne vend rien sinon lui-même, le graphisme est toujours au service d’un tiers. Le tiers est une marque, une entreprise, une institution… Qu’il s’agisse de le montrer sous son meilleur jour soit, mais que ce jour-là ait existé et existe encore semble être un minimum d’honnêteté.
C’est encore l’histoire de l’arbre qui cache la foret. Où plutôt, l’arbre géant et majestueux qui cache la déforestation. Ne rien dire ne signifie pas pour autant ne pas mentir. Le mensonge par omission est la stratégie la plus utilisée par la publicité depuis que les marques se salissent les mains derrière notre dos. On peut citer un nombre incalculable d’enseigne de prêt-à-porter à l’origine de scandale humanitaire. Nous prendrons l’exemple peut-être aussi meurtrier de la plus connues des chaines de fast-food. Le logo McDonald’s dit des « arches dorées » est créé en 1962 par Jim Schindler alors responsable de l’ingénierie de conception à McDonald’s. Il s’inspire des deux arches jaunes de la façade du tout premier restaurant McDonald’s réalisé par l’architecte Stanley Meston à Phoenix. Jim Schindler rassemble les deux arches pour en faire un « M ». Mais depuis 2009, en France, Macdonald nous fait la surprise de changer le fond rouge de son logo par un vert profond, un vert forêt comme il est bon d’avoir en ses temps favorables aux défenseurs de la nature. C’est à coups de spots télévisés et de packadging en papier kraft que Macdonald espère s’acheter au bonne image au moins autant qu’une bonne conscience auprès de ses consommateurs. Est-ce que nous allons pour autant commander un menu maxi-best-of dans l’attente de manger des produits de qualité ? Non. Ce qui fait Mcdo c’est son goût, pas la promesse d’une bonne santé. Mcdo c’est bon quand on y va pas souvent. Et pour la plupart le fond vert n’a rien changé.